Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/310

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
le rayon-vert

effet, depuis ces deux admirables embellies du 2 et du 14 août, ce n’était plus que ciel incertain, nuages orageux, horizons sillonnés d’éclairs de chaleur, brumes crépusculaires, enfin de quoi désespérer un élève astronome, accroché à l’objectif de sa lunette, et poursuivant la révision d’un coin de la carte céleste !

Pourquoi ne pas avouer que le jeune peintre était maintenant épris du Rayon-Vert, tout autant que miss Campbell ? Il avait enfourché ce dada en compagnie de la belle jeune fille. Il courait avec elle les champs de l’espace. Il chevauchait cette fantaisie avec non moins d’ardeur, pour ne pas dire non moins d’impatience que sa jeune compagne. Ah ! il n’était pas un Aristobulus Ursiclos, lui, la tête perdue dans les nuages de la haute science, plein de dédain pour un simple phénomène d’optique ! Tous deux se comprenaient et tous deux voulaient être de ces rares privilégiés que le Rayon-Vert aurait honorés de son apparition !

« Nous le verrons, miss Campbell, répétait Olivier Sinclair, nous le verrons, quand je devrais aller l’allumer moi-même ! En somme, c’est par ma faute qu’il vous a échappé une première fois, et je suis aussi coupable que ce monsieur Ursiclos… votre parent… je crois ?

— Non… mon fiancé… paraît-il… » répondit ce jour-là miss Campbell, en s’éloignant avec quelque hâte pour aller rejoindre ses oncles, qui marchaient en avant et s’offraient une prise.

Son fiancé ! Il fut singulier, l’effet que produisit sur Olivier Sinclair cette simple réponse, et surtout le ton dont elle avait été faite ! Après tout, pourquoi ce jeune pédant ne serait-il pas un fiancé ? Au moins, dans ces conditions, sa présence à Oban s’expliquait ! De ce qu’il avait été assez mal avisé pour s’interposer entre le soleil couchant et miss Campbell, il ne s’ensuivait pas… Qu’est-ce qui ne s’ensuivait pas ? Olivier Sinclair eût peut-être été fort embarrassé de le dire.

D’ailleurs, après deux jours d’absence, Aristobulus Ursiclos avait reparu. Olivier Sinclair l’aperçut, plusieurs fois, en compagnie des frères Melvill, qui n’auraient pu lui tenir rigueur. Il semblait être dans les meilleurs termes avec eux. Le jeune savant et le jeune artiste, à diverses reprises, s’étaient aussi rencontrés, soit sur la plage, soit dans les salons de Caledonian Hotel.

Les deux oncles avaient cru devoir les présenter l’un à l’autre.

« Monsieur Aristobulus Ursiclos, de Dumfries !

— Monsieur Olivier Sinclair, d’Édimbourg ! »