force à ce jeu, si en honneur dans le Royaume-Uni. Ce n’est, on le sait, que l’ancien « mail », très heureusement approprié au goût de la jeunesse féminine.
Or, il y avait précisément à Oban plusieurs aires disposées pour les manœuvres du croquet. Que dans la plupart des villes de bains on se contente d’un emplacement plus ou moins bien nivelé, pelouse ou grève, cela prouve moins l’exigence des joueurs que leur indifférence ou leur peu de zèle pour cette noble distraction. Ici les aires étaient, non sablonneuses, mais gazonnées, comme il convient, — ce qu’on appelle des « crockets-grounds », — humectées chaque soir avec des pompes d’arrosage, roulées chaque matin avec un engin spécial, douces comme un velours passé au laminoir. De petits cubes de pierre, affleurant le sol, étaient destinés à l’emplantement des piquets et des arceaux. En outre, un fossé, creusé de quelques pouces, délimitait chaque emplacement et lui donnait les douze cents pieds carrés, nécessaires aux opérations des joueurs.
Que de fois les frères Melvill avaient regardé avec envie les jeunes gens et les jeunes filles, qui manœuvraient sur ces terrains d’élite ! Aussi quelle satisfaction ce fut pour eux lorsque miss Campbell se rendit à leur invitation. Ils allaient donc pouvoir la distraire, tout en se livrant à leur jeu favori, au milieu de spectateurs qui ne leur manqueraient pas, ici comme à Helensburgh. Les vaniteux !
Aristobulus Ursiclos, prévenu, consentit à suspendre ses travaux, et se trouvait à l’heure dite sur le théâtre de la lutte. Il avait cette prétention d’être aussi fort au croquet en théorie qu’en pratique, de le jouer en savant, en géomètre, en physicien, en mathématicien, en un mot, par A + B, comme il convient à une tête à x.
Ce qui ne plaisait que tout juste à miss Campbell, c’est qu’elle allait nécessairement avoir ce jeune pédant pour partenaire. Et pouvait-il en être autrement ? Ferait-elle à ses deux oncles le chagrin de les séparer dans la lutte, de les opposer l’un à l’autre, eux si unis de pensée et de cœur, de corps et d’esprit, eux qui ne jouaient jamais qu’ensemble ! Non ! elle ne l’eût pas voulu !
« Miss Campbell, lui dit tout d’abord Aristobulus Ursiclos, je suis heureux d’être votre second, et si vous me permettez de me laisser vous expliquer la cause déterminante des coups…
— Monsieur Ursiclos, répondit Helena en le prenant à part, il faudra laisser gagner mes oncles.