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qui explique ce qui avait paru inexplicable

Mais, en homme pratique, il ajourna, par un effort de volonté, la solution de ces problèmes, et s’adressant à son neveu :

« Godfrey, dit-il, tu as toujours tant aimé les îles, que je suis sûr de t’être agréable et de combler tes vœux en t’annonçant que celle-ci est à toi, à toi seul ! Je t’en fais cadeau ! Tu peux t’en donner, de ton île, tant que tu voudras ! Je ne songe pas à te la faire quitter de force et n’entends point t’en détacher ! Sois donc un Robinson toute ta vie, si le cœur t’en dit…

— Moi ! répondit Godfrey, moi ! toute ma vie ! »

Phina, s’avançant à son tour :

« Godfrey, demanda-t-elle, veux-tu en effet rester sur ton île ?

— Plutôt mourir ! » s’écria-t-il, en se redressant dans un élan dont la franchise n’était pas douteuse.

Mais se ravisant aussitôt :

« Eh bien, oui, reprit-il en s’emparant de la main de la jeune fille, oui, j’y veux rester, mais à trois conditions : la première, c’est que tu y resteras avec moi, chère Phina ; la deuxième, c’est que l’oncle Will s’engagera à y demeurer avec nous, et la troisième, c’est que l’aumônier du Dream viendra nous y marier aujourd’hui même !

— Il n’y a pas d’aumônier sur le Dream, Godfrey ! répondit l’oncle Will, tu le sais bien, mais je pense qu’il y en a encore à San Francisco, et que là nous trouverons plus d’un digne pasteur qui consente à nous rendre ce petit service ! Je crois donc répondre à ta pensée en te disant que, dès demain, nous reprendrons la mer ! »

Alors Phina et l’oncle Will voulurent que Godfrey leur fit les honneurs de son île. Le voilà donc les promenant sous le groupe des séquoias, le long du rio, jusqu’au petit pont.

Hélas ! de la demeure de Will-Tree, il ne restait plus rien ! L’incendie avait tout dévoré de cette habitation aménagée à la base de l’arbre ! Sans l’arrivée de William W. Kolderup, aux approches de l’hiver, leur petit matériel détruit, de véritables bêtes féroces courant l’île, nos Robinsons eussent été bien à plaindre !

« Oncle Will, dit alors Godfrey, si j’avais donné à cette île le nom de Phina, laissez-moi ajouter que l’arbre dans lequel nous demeurions s’appelait Will-Tree !

— Eh bien, répondit l’oncle, nous en emporterons de la graine pour en semer dans mon jardin de Frisco ! »