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l’école des robinsons

Et l’oncle William W. Kolderup, secouant sa grosse tête, voulut en vain cacher qu’il était très ému.

Mais si Godfrey n’avait pu retenir un sourire de bonne humeur, en entendant les explications que lui donnait l’oncle Will, le professeur Tartelett ne riait pas, lui ! Il était très mortifié de ce qu’il apprenait, lui ! Avoir été l’objet d’une pareille mystification, lui, professeur de danse et de maintien ! Aussi, s’avançant avec beaucoup de dignité :

« Monsieur William Kolderup, dit-il, ne soutiendra pas, je pense, que l’énorme crocodile dont j’ai failli être la malheureuse victime était en carton et à ressort ?

— Un crocodile ? répondit l’oncle.

— Oui, monsieur Kolderup, répondit alors Carèfinotu, auquel il convient de restituer son vrai nom de Jup Brass, oui, un véritable crocrodile, qui s’est jeté sur monsieur Tartelett, et cependant, je n’en avais point apporté dans ma collection ! »

Godfrey raconta alors ce qui s’était passé depuis quelque temps, l’apparition subite des fauves en grand nombre, de vrais lions, de vrais tigres, de vraies panthères, puis l’envahissement de vrais serpents, dont, pendant quatre mois, on n’avait pas aperçu un seul échantillon dans l’île !

William W. Kolderup, déconcerté à son tour, ne comprit rien à tout cela. L’île Spencer, — cela était connu depuis longtemps, — n’était hantée par aucun fauve, et ne devait pas renfermer un seul animal nuisible, aux termes mêmes de l’acte de vente.

Il ne comprit pas davantage ce que Godfrey lui raconta de toutes les tentatives qu’il avait faites, à propos d’une fumée qui s’était montrée plusieurs fois en divers points de l’île. Aussi se montra-t-il très intrigué devant des révélations qui lui donnaient à penser que tout ne s’était pas passé d’après ses instructions, selon le programme que seul il avait été en droit de faire.

Quant à Tartelett, ce n’était pas un homme auquel on pût en conter. À part lui, il ne voulut rien admettre, ni du faux naufrage, ni des faux sauvages, ni des faux animaux, et, surtout, il ne voulut pas renoncer à la gloire qu’il avait acquise, en abattant de son premier coup de fusil le chef d’une tribu polynésienne, — un des serviteurs de l’hôtel Kolderup, qui, d’ailleurs, se portait aussi bien que lui !

Tout était dit, tout était expliqué, sauf la grave question des véritables fauves et de la fumée inconnue. Cela faillit même rendre l’oncle Will très rêveur.