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la situation se complique de plus en plus.

peu ses explorations et ses chasses, mais sans les pousser aussi loin dans l’intérieur de l’île. Pendant ce temps, lorsque le noir raccompagnait, Tartelett, bien renfermé dans Will-Tree, ne se serait pas hasardé au dehors, quand même il se fût agi d’aller donner une leçon de danse ! D’autres fois aussi, Godfrey partait seul, et le professeur avait alors un compagnon, à l’instruction duquel il se consacrait obstinément.

Oui ! Tartelett avait d’abord eu la pensée d’enseigner à Carèfinotu les mots les plus usuels de la langue anglaise ; mais il dut y renoncer, tant le noir semblait avoir l’appareil phonétique mal conformé pour ce genre de prononciation.

« Alors, s’était dit Tartelett, puisque je ne puis être son professeur, je serai son élève ! »

Et c’était lui qui s’était mis en tête d’apprendre l’idiome que parlait Carèfinotu.

Godfrey eut beau lui dire que cela ne leur serait pas d’une grande utilité. Tartelett n’en voulut pas démordre. Il s’ingénia donc à faire comprendre à Carèfinotu de lui nommer en sa langue les objets qu’il lui désignait de la main.

En vérité, il faut croire que l’élève Tartelett avait de grandes dispositions, car, au bout de quinze jours, il savait bien quinze mots ! Il savait que Carèfinotu disait « birsi » pour désigner le feu, « aradou » pour désigner le ciel, « mervira » pour désigner la mer, « doura » pour désigner un arbre, etc. Il en était aussi fier que s’il eût obtenu un premier prix de polynésien au grand concours.

C’est alors que, dans une pensée de gratitude, il voulut reconnaître ce que son professeur avait fait pour lui, — non plus en essayant de lui faire écorcher quelques mots d’anglais, mais en lui inculquant les belles manières et les vrais principes de la chorégraphie européenne.

Là-dessus, Godfrey ne put s’empêcher de rire de bon cœur ! Après tout, cela faisait passer le temps, et le dimanche, lorsqu’il n’y avait plus rien à faire, il assistait volontiers au cours du célèbre professeur Tartelett, de San Francisco.

En vérité, il fallait voir cela ! Le malheureux Carèfinotu suait sang et eau à se plier aux exercices élémentaires de la danse ! Il était docile, plein de bonne volonté, cependant ; mais, comme tous ses pareils, est-ce qu’il n’avait pas les épaules rentrées, le ventre proéminent, les genoux en dedans, les