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l’école des robinsons

Infortuné Tartelett ! Depuis ce jour commença pour lui une existence d’inquiétudes, d’émotions, de transes, d’épouvantes irraisonnées, qui lui donna au plus haut degré la nostalgie du pays natal.

« Non, répétait-il, non ! S’il y a des bêtes… j’en ai assez, et je demande à m’en aller ! »

Il fallait le pouvoir.

Godfrey et ses compagnons eurent donc, désormais, à se tenir sur leurs gardes. Une attaque pouvait se produire non seulement du côté du littoral et de la prairie, mais aussi jusque dans le groupe des séquoias. C’est pourquoi de sérieuses mesures furent prises pour mettre l’habitation à l’abri d’une agression subite. La porte fut solidement renforcée, de manière à pouvoir résister à la griffe d’un fauve. Quant aux animaux domestiques, Godfrey aurait bien voulu leur construire une étable, où on aurait pu les renfermer, au moins la nuit, mais ce n’était pas chose facile. On se borna donc à les maintenir, autant que possible, aux abords de Will-Tree dans une sorte d’enclos de branchages, d’où ils ne pouvaient sortir. Mais cet enclos n’était ni assez solide, ni assez élevé pour empêcher un ours ou une hyène de le renverser ou de le franchir.

Toutefois, comme Carèfinotu, malgré les insistances qu’on lui fit, continuait à veiller au dehors pendant la nuit, Godfrey espérait toujours être à même de prévenir une attaque directe.

Certes, Carèfinotu s’exposait en se constituant ainsi le gardien de Will-Tree ; mais il avait certainement compris qu’il rendait service à ses libérateurs, et il persista, quoi que Godfrey pût lui dire, à veiller, comme à l’ordinaire, pour le salut commun.

Une semaine se passa sans qu’aucun de ces redoutables visiteurs n’eût paru aux environs. Godfrey, d’ailleurs, ne s’éloignait plus de l’habitation, à moins qu’il n’y eût nécessité. Tandis que les moutons, les chèvres et autres paissaient dans la prairie voisine, on ne les perdait pas de vue. Le plus souvent, Carèfinotu faisait l’office de berger. Il ne prenait point de fusil, car il ne semblait pas qu’il eût compris le maniement des armes à feu, mais un des couteaux de chasse était passé à sa ceinture, une hache pendait à sa main droite. Ainsi armé, le vigoureux noir n’eût pas hésité à se jeter au devant d’un tigre ou de tout autre animal de la pire espèce.

Cependant, comme ni l’ours ni aucun de ses congénères n’avaient reparu depuis la dernière rencontre, Godfrey commença à se rassurer. Il reprit peu à