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petits deux cent cinquante. Quelques-uns, intérieurement évidés par la vieillesse, montraient à leur base une arche gigantesque, sous laquelle eût passé toute une troupe à cheval.

Godfrey fut frappé d’admiration en présence de ces phénomènes naturels, qui n’occupent généralement que les altitudes de cinq à six mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Il trouva même que cette vue seule aurait valu le voyage. Rien de comparable, en effet, à ces colonnes d’un brun clair, qui se profilaient presque sans diminution sensible de leur diamètre, depuis la racine jusqu’à la première fourche. Ces fûts cylindriques, à une hauteur de quatre-vingts à cent pieds au-dessus du sol, se ramifiant en fortes branches, épaisses comme des troncs d’arbres déjà énormes, portaient ainsi toute une forêt dans les airs.

L’un de ces « séquoias giganteas », — c’était un des plus grands du groupe, — attira plus particulièrement l’attention de Godfrey. Creusé à sa base, il présentait une ouverture large de quatre à cinq pieds, haute de dix, qui permettait de pénétrer à l’intérieur. Le cœur du géant avait disparu, l’aubier s’était dissipé en une poussière tendre et blanchâtre ; mais si l’arbre ne reposait plus sur ses puissantes racines que par sa solide écorce, il pouvait encore vivre ainsi pendant des siècles.

« À défaut de caverne ou de grotte, s’écria Godfrey, voilà une habitation toute trouvée, une maison de bois, une tour, comme il n’y en a pas dans les pays habités ! Là, nous pourrons être clos et couverts ! Venez, Tartelett, venez ! »

Et le jeune homme, entraînant son compagnon, s’introduisit à l’intérieur du séquoia.

Le sol était couvert d’un lit de poussière végétale, et son diamètre n’était pas inférieur à vingt pieds anglais. Quant à la hauteur à laquelle s’arrondissait la voûte, l’obscurité empêchait de l’estimer. Mais nul rayon de lumière ne se glissait à travers les parois d’écorce de cette sorte de cave. Donc, pas de fentes, pas de failles, par lesquelles la pluie ou le vent auraient pu pénétrer. Il était certain que nos deux Robinsons se trouveraient là dans des conditions supportables pour braver impunément les intempéries du ciel. Une caverne n’eût été ni plus solide, ni plus sèche, ni plus close. En vérité, il eût été difficile de trouver mieux !

« Hein, Tartelett, que pensez-vous de cette demeure naturelle ? demanda Godfrey.