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taine inquiétude lui manquer le feu, cet indispensable élément, que rien ne peut remplacer.

Il allait donc, perdu dans ses pensées, précédant Tartelett, dont tout le soin consistait à rallier par ses cris le troupeau des moutons, des agoutis, des chèvres et des volatiles.

Soudain son regard fut attiré par les vives couleurs d’une grappe de petites pommes, qui pendaient aux branches de certains arbustes, disséminés par centaines au pied des dunes. Il reconnut aussitôt quelques-uns de ces « manzanillas », dont les Indiens se nourrissent volontiers dans certaines portions de la Californie.

« Enfin ! s’écria-t-il, voilà de quoi varier un peu nos repas d’œufs et de coquillages !

— Quoi ! cela se mange ? dit Tartelett, qui, suivant son habitude, commença par faire la grimace.

— Voyez plutôt ! » répondit Godfrey.

Et il se mit à cueillir quelques-unes de ces manzanillas, dans lesquelles il mordit avidement.

Ce n’étaient que des pommes sauvages, mais leur acidité même ne laissait pas d’être agréable. Le professeur ne tarda pas à imiter son compagnon, et ne se montra pas trop mécontent de la trouvaille. Godfrey pensa, avec raison, que l’on pourrait tirer de ces fruits une boisson fermentée, qui serait toujours préférable à l’eau claire.

La marche fut reprise. Bientôt l’extrémité de la dune sablonneuse vint mourir sur une prairie que traversait un petit rio aux eaux courantes. C’était celui que Godfrey avait aperçu du sommet du cône. Quant aux grands arbres, ils se massaient un peu plus loin, et, après une course de neuf milles environ, les deux explorateurs, assez fatigués de cette promenade de quatre heures, y arrivèrent, quelques minutes après midi.

Le site valait vraiment la peine d’être regardé, visité, choisi, et, sans doute, occupé.

Là, en effet, sur la lisière d’une vaste prairie, coupée de buissons de manzanillas et autres arbustes, s’élevaient une vingtaine d’arbres gigantesques, qui auraient pu supporter la comparaison avec les mêmes essences des forêts californiennes. Ils étaient disposés en demi-cercle. Le tapis de verdure qui s’étendait à leur pied, après avoir bordé le lit du rio pendant quelques centaines de pas encore, faisait place à une longue grève, semée de roches, de galets,