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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

— Oui, nous deux, avec soixante-trois autres personnes.

— Diavolo ! fit l’hôte en se grattant la tête.

— Eh bien ! insista Thompson.

— Eh bien ! dit l’hôte, en prenant résolument son parti, vous aurez à onze heures vos soixante-cinq déjeuners.

— À quel prix ?

L’hôte réfléchit un instant.

— Vous aurez, dit-il enfin, œufs, jambon, poisson, poulet, dessert, pour vingt-trois mille réis, vin et café compris. »

Vingt-trois mille réis, soit deux francs par tête environ, c’était d’un invraisemblable bon marché. Tel ne fut pas sans doute l’avis de Thompson, car, par le canal de son interprète, il entama un marchandage effréné. Finalement, on tomba d’accord sur le prix de dix-sept mille réis, soit environ cent francs en monnaie française.

Cette question réglée, un autre marchandage recommença à propos des moyens de transport nécessaires. Après dix minutes de discussion, l’hôte s’engagea, moyennant un forfait de trente mille réis (cent quatre-vingts francs), à mettre, le lendemain matin, à la disposition des touristes, soixante-cinq montures, chevaux et ânes, ces derniers en majorité. Quant à des voitures, il n’y fallait pas songer, l’île n’en contenant pas une seule.

Témoin et acteur de ces discussions, Robert constatait avec un étonnement mêlé d’inquiétude que Thompson, s’en fiant à son heureuse étoile, n’avait absolument rien préparé.

« Voilà qui nous promet de l’agrément ! » se dit-il in petto.

Tout étant bien convenu, Thompson et Robert se hâtèrent d’aller retrouver les passagers, qui, depuis au moins une demi-heure, devaient attendre leur éminent administrateur.

Ils étaient tous là en effet, formant sur le quai un groupe compact et gesticulant. Tous sauf un, cependant. Comme il l’avait déclaré, Elias Johnson était resté à bord, manifestant par une rigoureuse abstention son horreur des tremblements de terre.

Dans le groupe des passagers, la mauvaise humeur était évidente, mais elle se calma d’elle-même à la vue de Thompson