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PREMIER CONTACT.

et venait sur le spardeck, continuant, infatigable, sa chasse à l’interprète. Il abordait les passagers et les interpellait les uns après les autres, sans obtenir d’autre réponse qu’un geste d’ignorance impuissante. À chaque tentative avortée, le visage de Piperboom s’allongeait, se faisait plus désolé.

Quelques paroles prononcées par l’infortuné arrivèrent jusqu’à Blockhead, et lui tirent dresser l’oreille.

— Quel est ce gentleman ? demanda-t-il à Robert, et quel drôle de langage parle-t-il donc ?

— C’est un Hollandais, répondit machinalement Robert, dont la situation n’a rien de très agréable.

Au mot de : Hollandais, Blockhead s’était levé.

— Abel, suivez-moi ! » ordonna-t-il.

Et il s’éloigna rapidement, escorté de sa famille tout entière à distance respectueuse.

Quand Piperboom aperçut cette famille qui s’avançait vers lui, il se dirigea à sa rencontre. Était-ce enfin l’interprète attendu ?

« Mynheer, kunt u my den tolk van het schip wyzen ? dit-il à Blockhead en l’abordant gracieusement.

— Monsieur, répondit solennellement Blockhead, je n’avais jamais vu de Hollandais. Je suis heureux et fier que mon fils puisse contempler un enfant de ce peuple célèbre par ses fromages.

Piperboom ouvrit de grands yeux. C’était à son tour de ne pas comprendre. Il insista :

Ik versta u niet, mynheer. Ik vraag u of gy my den tolk van het schip wilt…

— … wyzen, acheva Blockhead d’un air conciliant.

En entendant ce mot, le visage de Piperboom s’éclaircit. Enfin ! Mais Blockhead continuait :

— C’est probablement du hollandais. Je suis extraordinairement content d’avoir été à même d’en entendre. Voilà les occasions que nous offrent les grands voyages, » ajouta-t-il en se retournant vers sa famille suspendue à ses lèvres.