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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

Mme de Sorgues prirent place à la table où s’assirent le capitaine et Baker.

Tous deux au courant des dessous de l’histoire de leur amphitryon et de sa charmante femme, ceux-ci n’étaient pas étonnés du luxe entourant l’ancien interprète de l’Agence Thompson and Co. Du reste, ils en avaient trop vu au cours de leur existence pour s’étonner facilement, et le capitaine Pip, qui se connaissait en hommes, jugeait son hôte digne de toutes les faveurs de la fortune.

Évidemment, ce n’était pas la première fois qu’ils s’asseyaient autour de cette table hospitalière que des laquais servaient discrètement. Aucun embarras dans leur tenue, mais la franche liberté qui convient à des amis véritables.

Derrière la chaise du capitaine, Artimon s’était posément assis sur son derrière. C’était une place qui lui appartenait de droit et dont aucun cataclysme n’aurait pu l’éloigner. D’ailleurs, on n’y songeait guère, et le capitaine ne se gênait pas pour lui passer quelque friand morceau qu’Artimon acceptait avec dignité. Il avait vieilli, Artimon, mais son cœur était resté jeune. Ses yeux se fixaient toujours aussi intelligents et aussi vifs sur ceux de son maître, dont il continuait à recevoir les confidences en agitant ses longues oreilles d’un air de profond intérêt. Lui aussi connaissait bien la maison où il était invité ce soir-là. Choyé par la maîtresse de céans, qui n’oubliait pas le sauveur de son mari, respecté des domestiques qui le vénéraient comme une puissance, il en appréciait aussi l’ordinaire, et il approuvait énergiquement son maitre et ami, quand celui-ci lui confiait son projet d’aller faire un tour à Paris.

« De quel pays, commandant, nous arrivez-vous, cette fois ? demanda Robert au cours du repas.

— De New-York, répondit le capitaine, qui, engagé sur la ligne Cunard, était ennuyé de la monotonie des éternelles traversées entre l’Angleterre et l’Amérique. C’est diablement écœurant, monsieur !