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L’AGENCE THOMPSON AND Co

quand le visiteur inattendu pénétra dans le cercle de lumière.

Robert Morgand était devant eux.

Robert Morgand vivant ! Jack perdit la raison dans l’excès de sa colère.

— Eh ! bégaya-t-il, sa langue paralysée par la rage, c’est le beau jeune homme lui-même ! En quoi une discussion de famille peut-elle intéresser le cicérone Morgand ?

Robert, toujours calme, fit un pas vers Jack Lindsay. Mais, entre les deux hommes, Alice s’interposa. D’un geste hautain, elle obtint le silence.

— M. le marquis de Gramond a le droit de connaître tout ce qui regarde sa femme, dit-elle en couvrant de ses regards illuminés son beau-frère impuissant.

— Voilà un marquisat bien subit ! ricana celui-ci. C’est sans doute à Tombouctou que vous espérez convoler ?

Une pensée subite lui traversa l’esprit. Si Robert était là, il ne devait pas y être seul. Le camp, sans doute, était au pouvoir des Français ramenés par lui, et ce qu’avait annoncé Alice cessait, par conséquent, d’être une chimère pour devenir une réalité. À cette pensée, un flot de fureur le souleva de nouveau. Il porta la main à sa ceinture, et l’en retira armée de ce même revolver avec lequel déjà il s’était essayé dans l’assassinat.

— Vous n’êtes pas encore marquise ! cria-t-il en dirigeant le canon vers Robert.

Mais Alice veillait.

D’un bond, elle s’était élancée sur Jack Lindsay. Avec une force décuplée, elle se cramponnait à son bras, le désarmait. Le coup partit cependant, mais la balle déviée se perdit à travers le toit de la tente.

— Quittes ! dit Alice, avec un sourire de triomphe, en jetant le revolver fumant aux pieds de Robert.

Au coup de feu de Jack, d’autres coups de feu répondirent immédiatement. Un ouragan de balles déchira l’air. Des cris éclatèrent, mélange de jurons en plusieurs langues.