Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/495

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XIV

quittes !

À Tombouctou ! C’est-à-dire dans cette ville où semblent se centraliser tous les mystères de la mystérieuse Afrique, dans cette ville aux portes infranchissables pendant des siècles, qui, peu de mois plus tard, devaient pourtant s’ouvrir devant les colonnes françaises.

Mais le Maure ne pouvait prévoir l’avenir et conduisait ses prisonniers au centre légendaire de toutes les transactions du désert, au grand marché des esclaves.

En réalité, il était peu probable qu’il les amenât lui-même à destination. Les pilleurs d’épaves qui infestent les côtes de l’Atlantique s’éloignent rarement à une telle distance de la mer. Vraisemblablement, la bande des Maures, ainsi que cela se fait d’ordinaire, vendrait, à mi-chemin, ses prisonniers à quelque caravane de Touareg, sous la garde desquels s’achèverait le voyage.

Ce détail n’avait, au surplus, qu’une bien mince importance pour les misérables naufragés. Que ce fût sous la conduite d’un cheik maure ou d’un cheik targui, c’étaient, dans tous les cas, plus de quinze cents kilomètres à franchir, et un tel parcours exigerait au moins deux mois et demi. De ceux qui partaient, combien arriveraient au but ? Combien jalonneraient de leurs os blanchis la longue route déjà si souvent jalonnée ?

La première journée ne parut naturellement pas trop pénible. On était reposé, l’eau était abondante et saine. Mais il n’en serait plus de même, quand la succession des lieues ferait saigner les pieds fatigués et meurtris, quand on n’aurait plus, pour calmer la soif allumée par un soleil de feu, qu’une eau corrompue et parcimonieusement distribuée.

Hamilton et Blockhead, du moins, ne connaîtraient pas ces