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EXCURSION DE PROPORTIONS IMPRÉVUES.

Le 14 juillet, ce travail fut achevé, et les Maures se livrèrent à une série de préparatifs annonçant un prochain départ. Évidemment, dès le lendemain, il faudrait quitter la grève, si, d’ici là, on n’était pas délivré.

Cette journée du 14 parut longue aux malheureux naufragés. Depuis la veille, Robert, d’après sa promesse, aurait dû être de retour. Même en faisant entrer en ligne de compte toutes les difficultés d’un pareil voyage, le retard commençait à devenir anormal. À l’exception du capitaine qui n’avait garde de donner ses raisons et laissait ses compagnons user inutilement leurs yeux à fouiller l’horizon du Sud, on se montrait surpris. On fut bientôt irrité et on ne se gêna pas pour accuser Robert. Pourquoi, après tout, serait-il revenu ? Maintenant qu’il était très probablement en sûreté, il aurait été bien sot de s’exposer à de nouveaux dangers.

L’âme d’Alice ne connaissait pas cette ingratitude et cette faiblesse. Que Robert eût trahi, un tel soupçon ne se discutait même pas. Mort ? Cela, oui, peut-être… Mais aussitôt, quelque chose protestait en elle contre la possibilité d’une pareille hypothèse, et, pour l’avoir admise un instant, elle retrouvait plus affermie sa confiance inébranlable et superbe dans le bonheur et dans la vie.

Pourtant, toute la journée du 14 passa sans donner raison à son optimisme, et il en fut de même de la nuit suivante. Le soleil du 15 juillet se leva, sans qu’aucune modification fût apportée à la situation des naufragés.

À l’aube, les Maures avaient chargé les chameaux, et, dès sept heures du matin, le cheik donna le signal du départ. Un peloton de cavaliers en avant-garde, les autres suivant sur deux files, il fallut se résigner à obéir.

Entre la double rangée de leurs geôliers, prisonniers et prisonnières allaient à pied, en une ligne unique, réunis les uns aux autres par une longue corde entourant les cous et serrant les poignets. Toute évasion dans ces conditions était impossible,