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EXCURSION DE PROPORTIONS IMPRÉVUES.

chement éventrées laissaient voir leur contenu. Tout ce qui appartenait aux naufragés était réuni en un tas qui représentait désormais le butin du vainqueur.

Au delà du camp, le spectacle était plus triste encore. Sur le sable, que rasait la lumière frisante de l’aube, deux corps étendus se détachaient énergiquement en sombre, et, dans ces deux cadavres, le capitaine reconnut en soupirant les deux marins qu’il fut heureux alors de n’avoir pas accusés en son âme. Au milieu de la poitrine de tous deux, presque à la même place, un poignard était fiché jusqu’à la garde.

Dès que le jour fut complet, il eut une certaine agitation parmi les Africains. Bientôt l’un d’eux, le cheik sans doute, se détacha des autres et se dirigea vers le groupe des naufragés. Le capitaine aussitôt se porta à sa rencontre.

« Qui es-tu ? demanda le cheik en mauvais anglais.

— Le capitaine.

— C’est toi qui commandes à ces gens ?.

— Aux marins, oui. Les autres sont des passagers.

— Passagers ? répéta le Maure d’un air indécis… Emmène avec toi ceux qui t’obéissent. Je veux parler aux autres, reprit-il après un silence.

Mais le capitaine ne bougeait pas.

— Que veux-tu faire de nous ? osa-t-il interroger avec calme.

Le Maure fit un geste évasif.

— Tu le sauras tout à l’heure, dit-il. Va. »

Le capitaine, sans insister davantage, exécuta la consigne. Bientôt ses hommes et lui formèrent un groupe séparé de celui des touristes.

Au milieu de ceux-ci, le cheik passait lentement, et l’un après l’autre il les interrogeait avec une étrange insistance. Qui était celui-ci ? Quel était son nom ? son pays ? sa fortune ? Avait-il laissé de la famille derrière lui ? C’était un véritable questionnaire qu’il répétait sans se lasser, et auquel chacun répondait à sa guise, les uns disant tout bonnement la vérité, d’autres ampli-