Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/484

Cette page a été validée par deux contributeurs.
456
L’AGENCE THOMPSON AND Co.

Aucun changement notable ne s’était fait dans leur situation, depuis qu’ils étaient tombés au pouvoir des Maures. Le camp était toujours à sa place auprès de la Santa-Maria échouée.

Dès que le capitaine Pip comprit quel nouveau malheur frappait le troupeau humain dont il avait assumé la garde, il n’essaya pas une résistance inutile. Docilement, il se laissa parquer avec tous les autres en une foule confuse qu’enserra un triple cercle d’Africains en armes. Il ne connut même pas la colère contre les deux matelots de garde, lors de la surprise, qui s’étaient si malheureusement acquittés de leur mission. Le mal était fait. À quoi eût servi de récriminer ?

Le capitaine Pip chercha uniquement si, dans cette situation désespérée, il ne pouvait pas faire quelque chose d’utile pour le salut général. Il lui apparut aussitôt qu’il serait bon d’instruire Robert des derniers événements, s’il existait un moyen de lui faire parvenir cette communication. Or, ce moyen, le capitaine l’avait à sa disposition, et il se résolut à l’employer sans attendre.

Dans l’ombre, il griffonna un billet, et l’attacha au collier d’Artimon, sur le museau duquel il mit gravement un grave baiser. Puis, lui ayant fait sentir un objet appartenant à Robert, il reposa le chien à terre, et lui indiqua la direction du Sud, en l’excitant de la voix.

Artimon partit comme une flèche, et, en moins d’une seconde, disparut dans la nuit.

C’était là un gros sacrifice qu’avait fait le pauvre capitaine. Exposer ainsi son chien ! Il eût certes mieux aime s’exposer lui-même. Pourtant, il n’avait pas hésité, jugeant indispensable de porter à la connaissance de Robert des événements qui modifieraient peut-être ses projets.

Il n’importe. Les dernières heures de la nuit furent pénibles pour le capitaine, dont la pensée courait avec son chien le long des grèves battues par l’Atlantique.

Le jour en se levant montra toute l’étendue du désastre. Le camp était ravagé, les tentes renversées ; les caisses du retran-