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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

clamation aussi juste, obtenir l’appui de ceux que vous avez dépouillés. Toutefois, si le cœur vous en dit…

Non, le cœur n’en disait pas à Thompson, qui le fit comprendre du geste. Sans essayer une résistance à l’avance inutile, il ouvrit sa précieuse sacoche et en tira une liasse de bank-notes, qu’il réintégra avec soin, après avoir prélevé la somme exigée.

— Il en reste, fit Baker en montrant la sacoche.

Thompson ne répondit que par un pâle et indéfinissable sourire.

— Mais pas pour longtemps ! ajouta le féroce administrateur, tandis que le sourire ébauché s’évanouissait sur les lèvres de Thompson. Nous aurons bientôt à régler les petits comptes qui nous sont personnels.

Avant de quitter son implacable adversaire, Thompson voulut au moins en avoir pour son argent. À bord de la Santa-Maria, il avait retrouvé le fidèle Piperboom, et le Hollandais, comme si la chose eût été d’une évidente légitimité, s’était de nouveau incrusté à celui qu’il persistait à considérer comme le gouverneur de la colonie errante. Thompson promenait partout cette ombre triple de lui-même, et l’obstination de l’énorme passager commençait à l’agacer outre mesure.

— Ainsi donc, demanda-t-il, il est bien entendu que j’ai les droits de tout le monde, que je suis un passager comme les autres ?

— Absolument.

— Dans ce cas, vous m’obligeriez en me débarrassant de cet insupportable Piperboom, dont je ne puis me dépêtrer. Tant que j’étais Administrateur Général, il me fallait le subir. Mais, maintenant, c’est bien le moins que…

— Évidemment ! évidemment ! interrompit Baker. Malheureusement, je ne suis pas plus administrateur que vous. Au reste, rien ne vous sera plus facile, ajouta l’impitoyable railleur en pesant sur les mots, que de faire comprendre à Mr. Van Piperboom combien il vous gêne. »