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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

lait qu’il jugeât le danger sérieux, pour s’être aventuré dans un aussi long discours.

Ce fut Baker, en sa qualité d’administrateur délégué, qui s’empara de la tribune.

« Vos paroles sont graves, commandant, dit-il. Mais précisons, et dites-nous franchement si vous considérez comme déraisonnable le voyage que nous avons entrepris.

— Si telle avait été ma pensée, répondit le capitaine, je vous l’aurais fait connaître dès le début. Non. ce voyage est possible, et cependant… avec tant de monde à bord…

— Enfin, interrompit Baker, si vous n’aviez avec vous que des marins, auriez-vous autant d’inquiétude ?

— Non certes, affirma le capitaine. Mais ce n’est pas la même chose. Naviguer, c’est notre métier à nous, et nous avons nos raisons…

— Nous avons aussi les nôtres, dit Baker, ne serait-ce que les fonds que nous a contraint d’engager sur ce navire la ladrerie de celui qui aurait dû payer pour tous. Il en est encore une autre plus sérieuse : la quarantaine qui frappe l’île de São-Thiago que nous venons de quitter. À cette heure, la Santa-Maria est peut-être signalée à toutes les îles de l’archipel, et je suis convaincu qu’on s’opposerait d’autant plus formellement à notre débarquement que nous ne possédons pas de patente nette et que nous avons deux malades à bord. Si donc, malgré tout, nous parvenions à prendre terre, ce ne serait que pour subir un emprisonnement réel cette fois, c’est-à-dire infiniment plus rigoureux que celui dont nous venons d’être victimes à São-Thiago. On peut objecter qu’en Portugal et en Espagne il en sera de même. C’est possible, mais ce n’est pas sûr. D’ailleurs, nous serons arrivés alors, et cela nous donnera du courage. Dans ces conditions, je vote pour la continuation du voyage commencé, et je pense que tout le monde est ici de mon avis. »

Le speech de Baker obtint en effet un assentiment unanime, et le capitaine Pip se contenta d’y répondre par un geste d’ac-