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EN QUARANTAINE.

de ressources au touriste désœuvré. Enserrée entre deux vallées qui viennent à la mer aboutir sur deux plages, l’une, la « Plage Noire, » à l’Ouest, l’autre à l’Est — celle-là même sur laquelle on avait débarqué — la « Grande Plage », elle est bâtie sur une « archada », c’est-à-dire sur un plateau de laves jadis descendues des volcans de quatre à cinq cents mètres d’altitude qui bornent au Nord son horizon. Se limitant en une brusque falaise d’environ quatre-vingts mètres, l’éperon de ce plateau va jusqu’à la mer et sépare les deux plages que des chemins d’une terrible raideur réunissent à la ville.

Le caractère nettement africain que la Villa da Praya possède à un plus haut degré que les autres centres de l’archipel est, aux yeux d’un voyageur européen, son unique curiosité. Ses rues encombrées de porcs, de volailles et de singes, ses maisons basses et bariolées de couleurs vives, les cases nègres des faubourgs, sa population noire au milieu de laquelle une importante colonie blanche, composée en majorité de fonctionnaires, est venue s’implanter, tout cela constitue un spectacle original et nouveau.

Mais, au bout de quelques jours, le touriste, blasé sur cet exotisme, ne trouve que de rares distractions dans cette ville de quatre mille âmes.

Quand il a parcouru le quartier européen, aux rues larges et bien percées rayonnant autour de la vaste place de « O Pelourinho », quand il a contemplé l’église et l’hôtel du Gouvernement se regardant de chaque côté d’une autre petite place en bordure de la mer, quand il a vu l’hôtel de ville, la prison, le tribunal et enfin l’hôpital, le cycle est achevé. Il pourrait alors sans inconvénient fermer les yeux. C’est à ce tournant que l’ennui guette.

Ce tournant, les deux Français et leurs compagnes ne tardèrent pas à l’atteindre. Ils y trouvèrent, sinon l’ennui, désarmé contre les cerveaux et les cœurs occupés, du moins un désœuvrement relatif. Peu à peu les promenades furent remplacées par de longues stations sur le sable des grèves, en face de cette mer qu’il était impossible de franchir, le bruit régulier de ses vagues