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tiques de leur race, dont ils portent dans toute leur personne l’énergique signature.

L’un des deux passagers qui étaient survenus et s’avançaient maintenant vers Robert, offrait un remarquable exemple de la justesse de cette observation. Impossible d’être plus Anglais. Il aurait même été un grand Anglais, si la hauteur de la taille suffisait pour mériter ce qualificatif. Maigre, d’ailleurs, à proportion, sans doute afin de rétablir l’équilibre, et de ne pas dépasser le poids normal auquel a droit un homme bien constitué.

Ce long corps s’appuyait sur de longues jambes, terminées par de longs pieds posant bien d’aplomb sur le sol, dont ils semblaient à chaque pas prendre une exclusive possession. Où qu’il se trouve, ne faut-il pas qu’un Anglais plante, d’une manière, quelconque, le drapeau de son pays ?

Par son aspect général, ce passager ressemblait beaucoup à un vieil arbre. Les nœuds eussent été figurés par des articulations rugueuses, que le moindre mouvement emplissait de grincements et de craquements comme les engrenages d’une mécanique mal graissée. Au physique, il manquait certainement de synovie, et peut-être, à en juger par l’apparence, n’avait-il pas au moral plus de lubréfiant.

On était fortement porté à l’admettre, quand, de la base, les yeux remontaient vers les hauteurs du chef. On apercevait d’abord un mince et long nez à l’extrémité acérée. De chaque côté de cette crête redoutable, deux petits charbons brûlaient à la place ordinaire des yeux, et, au-dessous, une mince coupure, que la connaissance seule des lois naturelles faisait reconnaître pour une bouche, permettait de croire à quelque méchanceté. Enfin, une auréole d’un beau roux, commençant au sommet de la tête par des cheveux soigneusement lissés séparés par une raie merveilleusement droite, et se continuant par les pointes interminables d’une paire de favoris nuageux, servait de cadre au tableau. Raie et favoris criaient : raideur, pour peu que l’on comprît l’anglais.