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OÙ THOMPSON SE TRANSFORME EN AMIRAL.

de la baie. Ainsi que Robert put le discerner d’après les indications de son Baedeker, c’était l’ancien débarcadère aujourd’hui complètement abandonné, et il s’étonna de plus en plus de la fantaisie des transporteurs.

Le ressac faisait rage contre ce rocher, et l’atterrissage au milieu de l’obscurité ne fut rien moins que facile. Il y eut plus d’une chute sur la surface glissante du granit que la vague polissait depuis des siècles, et plusieurs passagers prirent un bain involontaire. Néanmoins, tout se termina sans accident notable, et, un peu après onze heures, la totalité des naufragés était à terre.

Avec une hâte singulière qui donna fort à penser, les chaloupes rallièrent leurs bords respectifs. Moins de dix minutes plus tard, les six bateaux appareillaient, s’élançaient vers la haute mer, et disparaissaient dans la nuit.

En tous cas, s’il y avait là un mystère, ce n’était ni le temps, ni le lieu d’essayer de le comprendre. La situation des voyageurs réclamait présentement toute leur attention. Ils ne pouvaient dormir à la belle étoile, et, d’autre part, comment transporter ces caisses, ces malles, ces valises qui encombraient le rivage ? Il fallut encore que le capitaine intervînt. Conformément à sa décision, on laissa les bagages en arrière sous la garde de deux matelots, et les autres naufragés se mirent en route dans la direction de la ville encore bien lointaine.

Combien changée, la colonne brillante que Thompson dirigeait naguère avec une si parfaite maëstria ! Ce n’était plus qu’un troupeau en désordre, qui, déprimé, découragé, cherchait péniblement son chemin sur cette côte inconnue, semée de blocs épars et recouverte d’une épaisse nuit.

Route épuisante, même pour de plus valides marcheurs. Pendant plus d’une heure, on suivit un sentier à peine tracé, les pieds enfonçant jusqu’à la cheville dans un sable profond et cotonneux. Puis on dut gravir un chemin escarpé. Minuit était depuis longtemps sonné, quand les touristes à bout de forces se virent entourés de secourables maisons.