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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

lement remarquer. En vérité, ils avaient la partie trop belle. D’où provenaient tous ces malheurs, sinon de l’avarice et de la légèreté de Thompson ? C’était une thèse irréfutable. Aussi, le groupe qui entourait Baker comptait-il la majorité des passagers. À tous, il prêchait la guerre, pour le jour où l’on serait enfin en Angleterre, et ses belliqueuses diatribes trouvaient de l’écho.

Il s’était découvert en Johnson un allié inattendu. Jusque-là peu encombrant, ce passager semblait emporté par la fureur. Il criait plus haut que Baker lui-même, se répandait en injures contre Thompson et son Agence, répétait à satiété le serment de le traîner devant toutes les juridictions anglaises.

« Cet ivrogne hydrophile et géophobe est exaspéré d’avoir dû bon gré mal gré venir à terre, dit en riant Roger qui observait de loin le groupe en ébullition.

Sur Roger, ni la tristesse, ni la colère ne pouvaient prendre. Sa bonne humeur emportait tout. Joyeux, il l’eût été dans une bataille, il l’eût été à l’article de la mort. Il l’était dans cette île dénudée où le sort l’avait jeté.

Son observation avait fait rire Dolly.

— Pauvre monsieur ! soupira-t-elle. Comme il doit souffrir du désordre de l’office !

— C’est le seul qui ail le droit de se plaindre, affirma sérieusement Roger. Lui au moins, cela se comprend. Mais les autres !… Qu’est-ce que tout cela peut bien leur faire ? Pour ma part, je trouve ce voyage tout bonnement délicieux. Voilà notre steamer à voiles devenu sous-marin, et j’attends avec impatience le moment où il deviendra ballon.

— Vive le ballon ! s’écria Dolly en frappant des mains.

— Le ballon me paraît bien improbable, fit un peu mélancoliquement observer Robert. La fin du Seamew marque celle de notre voyage. Nous allons nous disperser selon les moyens qui nous seront offerts de regagner l’Angleterre.

— Pourquoi nous disperser ? répondit Alice. Mr. Thompson