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COMME UNE LAMPE QUI S’ÉTEINT.

d’un mouvement régulier. L’île se faisait plaine, plaine faiblement vallonnée et d’une affreuse infertilité.

Vers trois heures et demie, on dériva au large du Pedra de Lurne, assez bon ancrage, où quelques barques de pêche se balançaient. On fit en vain des signaux de détresse. Personne ne répondit. Le Pedra de Lume passa, puis disparut.

Deux heures plus tard, on doublait la Pointe Est, et un souffle d’espoir emplissait les âmes à bord du Seamew. À la faveur d’un remous, le navire avait fait un grand mouvement vers la côte. Cinq cents mètres au plus l’en séparaient désormais.

Malheureusement, le mouvement s’arrêta comme il avait commencé, sans que l’on sût pourquoi, et le Seamew continua à longer l’Île du Sel, dont les moindres détails apparaissaient nettement.

À cette faible distance, on eût pu héler, si un être humain se fût montré. Mais rien ne vivait dans ce désert. On n’avait devant les yeux qu’un véritable steppe, qui justifiait amplement l’expression du voyageur anglais appelant, l’Île du Sel un tombeau de sable. Basse, grise, sinistre, cette lande s’étendait, presque au niveau de la mer, défendue contre le ressac par une ceinture de récifs.

Le Seamew, suivant, à une vitesse uniforme, sa route implacable, contourna la baie qui se creuse après la Pointe Est. Avant une heure, il aurait doublé la Pointe du Naufrage, et après, ce serait de nouveau la mer, la mer profonde dans laquelle le navire sombrait lentement.

Tout à coup, l’homme qui sondait aux bossoirs cria :

« Vingt-cinq brasses !… Fond de sable !… »

Le capitaine, sur la passerelle, tressaillit de plaisir. Évidemment, le profil sous-marin se relevait. Que cela continuât un instant encore, et il deviendrait possible de mouiller.

« Faites faire le peneau de l’ancre, Mr. Fliship, » dit-il avec calme au second.

Un quart d’heure encore, le Seamew suivit le fil du courant,