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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

neuse, surmontée d’un mamelon de médiocre hauteur à une dizaine de milles dans le Sud-Ouest. Étant donnée la faible élévation de son point culminant, le Pic Martines, cette île, que le capitaine désigna sous le nom d’Île du Sel, n’avait pu être aperçue la veille que de vingt à vingt-cinq milles tout au plus. Il fallait donc que le courant qui entraînait le Seamew eût singulièrement décru.

En tous cas, si faible fût-il, ce courant portait droit à la côte, et peu à peu, à raison d’un nœud à l’heure environ, on parvenait vers midi à un mille d’une pointe que le capitaine nomma la pointe Martines, quand le courant, changeant subitement de direction, courut du Nord au Sud, tandis que sa vitesse était doublée.

Il était temps vraiment que la terre fût devenue si proche. L’eau à cette heure s’élevait à deux mètres vingt dans la cale. Mais sans doute, sous l’influence des mêmes causes qui l’avaient amené jusque-là, le navire ne tarderait pas à s’échouer sur une saillie du rivage. Échouage qui serait sans danger par ce beau temps, avec ce calme plat et cette mer d’huile.

Non. Le Seamew, inerte, véritable épave, courait parallèlement à la côte sans en approcher. Au gré du courant qui le poussait, il en contournait toutes les sinuosités, en doublait toutes les pointes, en se maintenant à l’invariable distance d’un mille.

À chaque instant, on jetait la sonde. Sa réponse était toujours la même : pas de fond. Impossible par conséquent de mouiller. Le capitaine se mordait les moustaches, en proie à la sourde rage de l’impuissance.

Véritable supplice de Tantale, le salut était là, à portée de la main, inaccessible cependant.

Ce n’est pas que l’aspect, de l’île fût bien tentant. Pas un arbre, pas un bouquet de verdure. Dans toutes les régions que le regard pouvait atteindre, on ne voyait que du sable.

À mesure que l’on s’avançait vers le Sud, la côte s’abaissait