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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

face à face, silencieux, tandis que le capitaine coulait un regard interrogateur vers les profondeurs où le fer travaillait à grand bruit.

Cette muette interrogation fut comprise de M. Bishop.

« Oui, commandant… en effet ! » dit-il avec un soupir.

Il ne s’expliqua pas davantage. Mais le capitaine se trouvait sans doute suffisamment renseigné, car il n’insista pas et se contenta de balancer la tête avec un visible mécontentement. Après quoi, les deux officiers reprirent de conserve l’inspection commencée par le capitaine.

Leur promenade durait encore, quand Thompson sortit à son tour, et monta sur le spardeck.

Pendant qu’il y parvenait d’un côté, Robert y arrivait de l’autre.

« Ah ! ah ! s’écria Thompson, voilà M. Morgand. Monsieur le Professeur a-t-il passé une bonne nuit ? Est-il satisfait de son excellente cabine ? Beau temps, n’est-il pas vrai, monsieur le Professeur ? »

Instinctivement, Robert avait tourné la tête, s’attendant à voir derrière lui quelque passager. Ce titre de professeur ne s’adressait évidemment pas à sa modeste personne.

Mais il n’eut pas le loisir de s’expliquer sur ce point. Thompson brusquement s’était interrompu. Prenant soudain son parti, il dégringola les escaliers et s’élança sur le pont.

Robert, en regardant autour de lui, ne put découvrir la raison de cette fuite si prompte. Sauf deux passagers qui venaient d’y monter, le spardeck était vide. Est-ce donc la vue de ces deux passagers qui avait mis Thompson en déroute ? Leur aspect n’avait rien de terrifiant, cependant. Pour original et singulier, c’était autre chose.

S’il est à la rigueur possible à des Français d’adopter une autre nationalité que la leur sans exciter outre mesure l’incrédulité de leurs compatriotes improvisés, pareil avatar est plus difficile pour un Anglais. Pour que l’on puisse s’y tromper, les fils d’Albion montrent d’ordinaire des signes trop caractéris-