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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

vous devez, dites-vous, vous adresser aux tribunaux, veuillez donc attendre qu’ils aient prononcé, et m’épargner des scènes dans le genre de celle-ci. Depuis le départ, je n’ai eu d’affaires qu’avec vous. Si vous n’étiez pas là, tout le monde se déclarerait content. Que me voulez-vous donc ? Je ne vous connais pas, moi, après tout, monsieur Saunders !

— Vous me connaissez parfaitement, au contraire, répliqua Saunders.

— Moi ?

— Vous.

L’irréconciliable passager se planta en face de l’Administrateur Général.

— Mon nom n’est pas Saunders, dit-il nettement.

— Bah ! fit Thompson étonné en regardant son ennemi.

— Mon nom est Baker, monsieur, cria celui-ci en levant son long bras vers le ciel.

— Baker !

— Oui, monsieur, Baker, directeur d’une agence de voyages, sans aucun rapport avec la vôtre, je m’en flatte.

Rien n’avait fait prévoir ce coup de théâtre. Après avoir poussé une exclamation de surprise, les passagers se taisaient, les yeux fixés sur Baker, qui attendait dans une pose agressive l’effet de sa révélation.

Cette révélation, qui, dans l’esprit de son auteur, aurait dû assommer Thompson, avait au contraire paru le mettre à son aise.

— Baker ! répéta-t-il railleusement. Tout s’explique ! Quand je pense que j’accordais quelque attention à vos récriminations incessantes ! Mais c’est tout simplement de la vulgaire concurrence !

Et Thompson agita sa main avec une dédaigneuse insouciance. Il ne l’agita pas longtemps. Baker — on lui conservera désormais son nom véritable — avait pris une mine vraiment féroce qui glaça la gaieté naissante de l’imprudent Administrateur Général.