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AU SOMMET DU TEYDE.

Pourtant, il n’est pas certain qu’Alice et Dolly, malgré leur entrainement de voyageuses, eussent accepté celui du refuge, déjà envahi par les ouvriers de la solfatare. Peut-être eussent-elles préféré la nuit froide à cette peu engageante promiscuité.

Heureusement Robert avait tout prévu pour leur éviter ce désagrément. Par ses soins, les chevaux furent déchargés de leur fardeau, et bientôt une tente confortable s’éleva, dans laquelle, grâce à un petit poêle et à une suffisante provision de combustible, le feu ronfla en quelques minutes.

Le jour déclinait rapidement. À huit heures, la mer fut envahie par l’ombre, que l’on vit avec la vitesse d’un express monter à l’assaut des côtes, des escarpements et des montagnes environnantes. En deux minutes, le cirque de Las Canadas était plongé dans la nuit. Seul, le Pic, étincelant encore, émergeait d’un invisible abîme.

Le globe du soleil atteignit l’Océan, la ligne de l’horizon le rongea, tandis qu’un immense cône d’ombre projeté par le Pic, passant en un instant par tous les tons imaginables, s’allongeait jusqu’à la Grande-Canarie, et le dernier rayon passa, flèche lumineuse, dans l’atmosphère obscurcie.

Alice et Dolly se retirèrent aussitôt dans leur tente. Quant aux hommes, s’il leur fut impossible, à l’abri du refuge, de trouver le sommeil, en raison de nuées de parasites dont semblaient se soucier fort peu les ouvriers, leurs hôtes et compagnons de lit, du moins purent-ils combattre le froid à l’aide d’un feu de rétamas.

Vers deux heures du matin, les odieux insectes suffisamment repus, ils réussissaient avec peine à s’endormir, quand résonna le signal du départ. Il n’y avait pas de temps à perdre, si l’on voulait être au sommet pour le lever de l’aube.

Le respect de la vérité force à confesser que deux touristes se bouchèrent obstinément les oreilles.

L’un, le baronnet sir George Hamilton, pouvait arguer de l’im-