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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

sée du Portillo. Ce n’était que bosses et crevasses, sans autre végétation que de rares et misérables touffes de rétamas.

« Pardon, monsieur le Professeur, demanda l’un des touristes à Robert, combien faut-il donc de temps pour traverser cet abominable plateau ?

— Environ trois heures, monsieur, répondit Robert.

Cette réponse sembla faire réfléchir le touriste et ses plus proches voisins.

— Et après la traversée du plateau, reprit le touriste inquiet, quelle distance nous séparera du sommet ?

— Quinze cents mètres environ, suivant la verticale, » dit laconiquement Robert.

Le questionneur s’abîma en des réflexions plus profondes, et maugréa quelques injures à l’adresse des impedimenta de la route.

Il faut avouer que la promenade n’avait plus rien de très agréable. Le froid, à cette altitude, commençait à devenir assez vif, tandis que brûlaient les rayons du soleil, insuffisamment tamisés par l’air raréfié. Grillés en avant, gelés en arrière, les touristes appréciaient modérément ce système de compensation.

D’autre part, à s’avancer ainsi vers le Midi, on ne tarda pas à souffrir d’inconvénients plus graves. Sur ce sol de ponces, d’un blanc plus éclatant que celui de la neige, les rayons du soleil rebondissaient comme sur un miroir, au grand dam des yeux les plus robustes. Roger qui, sur le conseil de Robert, s’était muni d’un petit stock de lunettes bleues, put se mettre et mettre ses amis à l’abri de tout accident. Mais rares étaient ceux de ses compagnons qui avaient eu cette précaution, et bientôt des commencements d’ophtalmie se déclarèrent, forçant plusieurs touristes à lâcher pied. Cela fit réfléchir les autres et, peu à peu, la traversée du cirque se prolongeant sans que la fin en parût moins lointaine, le plus grand nombre des cavaliers, soit par crainte d’ophtalmie, soit pour cause de fatigue, reprit discrètement la route d’Orotava.