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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

tiers de la caravane avait ainsi fondu, quand, après deux heures de cette fatigante montée, le Pic de Ténériffe, jusque-là caché par les mouvements du terrain, apparut subitement aux regards. Le Portillo enfin franchi, on arrivait au petit plateau de l’Estancia de la Cera.

Sous sa blanche robe de pierres ponces striée de noires coulées de lave, la cime perdue dans un tourbillon de nuées, le Pic, en cône régulier, s’élevait tout seul au milieu d’une plaine dont l’œil ne pouvait apprécier l’étendue. Toutes tournées vers lui, comme vénérant le maître, des montagnes indiquaient les frontières circulaires de la vaste plaine. Vers l’Ouest seulement, la barrière des monts se brisait, s’abaissait, finissait en un sol chaotique et convulsé, un « Mal Pais », au delà duquel la mer lointaine étincelait au soleil.

Ce spectacle unique et sublime décida du succès de l’excursion. Des hurrahs éclatèrent.

Thompson modestement salua. Il pouvait se croire revenu aux beaux jours de Fayal, alors que la colonne bien dressée obéissait au moindre signe. Et, de fait, ne l’avait-il pas reconquise ?

Il parla.

« Messieurs, dit-il, — et sa main semblait familièrement offrir le cône colossal ainsi qu’un présent délicat, — vous pouvez voir une fois de plus que l’Agence ne recule devant rien, j’ose le dire, pour le plaisir de ses souscripteurs. Si vous le voulez bien, nous allons mélanger l’utile à l’agréable, et M. le professeur Morgand va nous renseigner en quelques mots sur le panorama que nous avons la bonne fortune de contempler. »

Robert, fort surpris de cette proposition devenue si inhabituelle, reprit à l’instant l’air froid qui convenait à la circonstance, l’air cicérone comme il l’appelait lui-même.

« Messieurs et mesdames, dit-il, tandis que le cercle réglementaire se formait autour de lui, vous avez devant vous la plaine de Las Canadas, cratère primitif maintenant comblé par les détritus