Il fallait nécessairement que l’on se fût trompé deux heures plus tôt, à l’embranchement des deux routes, et le seul remède était sans doute de revenir en arrière.
Robert, auparavant, voulut prendre langue auprès des habitants du village. Mais alors, une grave difficulté se présenta. L’espagnol de Robert paraissait inintelligible aux paysans consultés, tandis que l’espagnol de ces paysans demeurait mystérieux pour Robert.
Celui-ci ne s’en montra pas autrement surpris. Il n’ignorait pas l’incroyable diversité des patois de l’intérieur.
Cependant, à l’aide d’une pantomime animée, à force de répéter le mot « Tedde », nom de la ville où l’on désirait se rendre, et où l’on comptait déjeuner, Robert finit par obtenir un résultat satisfaisant. L’indigène, se frappant le front d’un air entendu, appela un gamin, le fortifia d’un abondant et incompréhensible discours, puis, du geste, engagea la cavalcade à suivre le nouveau guide qu’il lui improvisait.
Pendant deux heures, on marcha sur les traces du gamin sifflotant des airs entre ses dents. À sa suite, on gravit un sentier, on en descendit un autre, on traversa une route, on reprit un sentier, cela n’en finissait plus. Depuis longtemps déjà, on aurait dû être à destination. Robert, en désespoir de cause, allait s’efforcer de tirer coûte que coûte quelque éclaircissement du jeune conducteur, quand, au moment où on arrivait sur une nouvelle route, celui-ci agita joyeusement son bonnet, indiqua la direction du Sud, et, dévalant rapidement un sentier de chèvres, disparut en un clin d’œil.
Parmi les touristes, ce fut de la stupeur. Que diable avait donc pu comprendre le paysan canarien ? Quoi qu’il en soit, rien n’aurait servi de se lamenter. Il n’y avait qu’à repartir, et l’on repartit en effet, non pas vers le Sud, mais vers le Nord, seule direction où l’on eût chance de rencontrer la ville de Tedde.
Cependant, les heures passèrent sans que le clocher du bourg apparût aux voyageurs harassés et affamés. La journée s’écoula,