Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.
278
L’AGENCE THOMPSON AND Co.

sur le quai, où il s’efforçait de former ses passagers en colonne, au fur et à mesure de leur débarquement. C’était la répétition de cette manœuvre, à laquelle de nombreux exercices avaient rompu les touristes enrégimentés lors des premières escales aux Açores.

Mais, hélas ! où était la belle discipline d’antan ? Ces conscrits si dociles se mutinaient, grognards. Les mouvements indiqués par Thompson s’accomplissaient avec un évident mauvais vouloir ; la troupe était pleine de murmures. Les rangs se disloquaient, à peine formés. Après un quart d’heure d’efforts, Thompson parvint bien juste à réunir une dizaine de fidèles, parmi lesquels le placide Piperboom — de Rotterdam — et Mr. Absyrthus Blockhead, revenu à son habituelle bonne humeur, depuis qu’il n’était plus question de l’âge de son rejeton.

Le gros des touristes était demeuré en arrière. Massés en un groupe compact, ils opposaient une invincible inertie aux efforts de L’Administrateur Général.

« Voyons, messieurs !… Messieurs, voyons !… lançait timidement Thompson à ces récalcitrants.

— C’est tout vu, monsieur, répondit brutalement Saunders en prenant, d’autorité la parole au nom de ses compagnons. Nous attendons patiemment les véhicules et porteurs promis par votre programme.

Et Saunders, ce disant, brandissait l’imprimé où ces fallacieuses promesses s’étalaient en effet en toutes lettres.

— Mais, messieurs, où voulez-vous que je les prenne ? demanda piteusement Thompson.

— Fort bien ! repartit Saunders de sa voix la plus grinçante. Je vais donc tâcher de trouver une voiture tout seul.

Il tira de sa poche son fidèle carnet.

— Mais je la louerai à vos frais ! C’est un compte que nous réglerons à Londres, monsieur, ajouta-t-il en se mettant en marche, tandis que ses articulations s’emplissaient des plus belliqueux ferraillements.