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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

Dans sa confusion, Robert s’embourbait. Il allait dire des sottises…

— Tenez, madame, conclut-il, n’en parlons plus. Je suis heureux de ce qui s’est passé, et je ne voudrais pas — mot affreusement égoïste — que tout cela n’ait pas eu lieu. Je serais donc payé par ma propre joie, s’il en était besoin, et vous pouvez honnêtement vous considérer comme libérée à mon égard.

Et, pour couper court à tout nouvel attendrissement, il se hâta d’entraîner ses compagnons vers le bastingage et se mit en devoir de leur faire admirer les îles qui s’élevaient de plus en plus sur l’horizon.

— Nous approchons, mesdames, vous le voyez, de la fin notre voyage, dit-il avec volubilité. Devant nous, voici la première Canarie, Allegranza. C’est une île aride, inculte et inhabitée, sauf à l’époque de la récolte de l’orseille. Cette plante tinctoriale constitue une des richesses de cet archipel. Plus au Sud, on aperçoit l’ile de Rio, séparée par un bras de mer, le Monta-Clara, d’un îlot également inhabité nommé Lancelote, et Graciosa, simple rocher perdu…

Robert ne put achever sa fantaisiste description. Un éclat de rire de Roger lui coupa la parole.

— Nom d’un chien, quel gâchis ! s’écria l’officier, en entendant cette traduction libre de sa conférence.

— Décidément, dit Robert en faisant chorus, j’ai besoin d’étudier encore un peu les Canaries. »

Vers dix heures, parvenu à cinq milles d’Allegranza, le Seamew mit le cap presque exactement au Sud. Une heure plus tard, on passait devant le rocher de Monta-Clara, quand la cloche sonna le rappel des passagers.

Le menu continuait sa marche descendante. La plupart des voyageurs, plongés dans une farouche résignation, parurent n’y pas faire attention. Mais Alice, qui n’avait pas bénéficié de l’éducation du jour précédent, éprouva quelque surprise et, à un certain moment, ne put même retenir une légère grimace.