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II

le second secret de robert morgand.

Tout dormait encore à bord du Seamew, quand, le lendemain matin, Jack Lindsay émergea de l’escalier des cabines. D’un pas incertain, il parcourut quelques instants le spardeck, puis, allant machinalement s’asseoir sur l’un des bancs de bâbord, il s’accouda à la bataviole et laissa distraitement errer son regard sur la mer.

Une vapeur légère à l’horizon du Sud-Est annonçait l’approche de la première Canarie. Mais Jack ne voyait pas ce nuage de granit. Il n’accordait son attention qu’à soi-même ; il s’appliquait uniquement à déchiffrer ses propres pensées, s’absorbait dans l’examen de sa situation que, depuis la veille, il ne cessait d’envisager sous toutes ses faces. De nouveau, il revivait la scène du torrent. De nouveau, il entendait, comme s’il eut éclaté à ses oreilles, le cri d’angoisse vainement poussé par Alice. À cet endroit du drame, une question s’imposait pour la dixième fois à son esprit, obsédante, inquiétante. Alice avait-elle compris ? Si elle avait compris, si elle avait vu clairement l’odieux retrait de la main tendue, elle allait sans doute agir, chercher hors d’elle-même une protection nécessaire, le dénoncer peut-être !… Et alors, que ferait-il ?

Mais, pour la dixième fois, une analyse plus sévère des faits le rassurait. Non, Alice ne parlerait pas. Jamais elle ne consentirait à jeter dans un scandale le nom qu’elle portait. Même instruite, elle se tairait.

Au surplus, Alice avait-elle vu, avait-elle compris ? Rien, en