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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

sur le spardeck dont ils troublaient à peine le silence. Seul, Blockhead continuait à faire part urbi et orbi de sa perpétuelle satisfaction, et spécialement à son agréable famille augmentée de l’infortuné Tigg tenu à l’œil par ses deux geôlières.

« Abel ! disait solennellement Blockhead, n’oubliez jamais ce qu’il vous a été donné de voir au cours de ce superbe voyage. J’espère…

Quelle était l’espérance de Blockhead ? L’épicier honoraire ne put s’expliquer à cet égard. Thompson l’abordait, un papier à la main.

— Vous m’excuserez, monsieur Blockhead, dit Thompson, de vous présenter mon petit compte. Un ancien commerçant ne trouvera pas mauvais que l’on fasse régulièrement les affaires.

Du coup, Blockhead parut ému. Sa figure bonasse en fut moins réjouie.

— Un compte ? répéta-t-il en repoussant de la main le papier que lui tendait Thompson. Nous ne pouvons avoir de compte, monsieur, il me semble. Nous avons payé nos places, monsieur.

— Pas tout à fait… rectifia Thompson en souriant.

— Comment ! pas tout à fait, balbutia Blockhead.

— Notre mémoire vous trahit, j’ose le dire, mon cher monsieur, insista Thompson. Si vous voulez bien vous en souvenir, vous vous rappellerez que vous avez soldé au total quatre places entières et une demi-place.

— C’est vrai, dit Blockhead en ouvrant de grands yeux.

— Eh bien ! continua Thompson, cette demi-place était pour votre fils, M. Abel ici présent, lequel n’avait pas encore dix ans au moment du départ. Ai-je besoin de rappeler à son père qu’il a aujourd’hui même atteint cet âge aimable ?

Blockhead était devenu réellement pâle à mesure que Thompson parlait. Frapper à sa bourse !…

— Et alors… insinua-t-il, la voix cassée.