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FACE À FACE.

au capitaine Pip, pendant que Piperboom, voyant que décidément on n’irait pas à Funchal ce jour-là, s’étendait paisiblement dans un fauteuil, el allumait son éternelle pipe. Rien ne pouvait être imprévu pour sa superbe indifférence.

Cependant on ne pouvait appareiller sur-le-champ. Il fallait, auparavant attendre le retour des huit passagers partis depuis l’avant-veille. Ce retour, d’ailleurs, ne tarderait pas. Avant cinq heures, ils auraient regagné le bord.

Au cours de cette journée, Thompson eut l’occasion d’exercer ses rares facultés de diplomate. Bien qu’un traité de paix eût été signé entre les belligérants, la paix n’était pas au fond des cœurs, Adversaires et partisans de ce départ hâtif voté comme un pis-aller, Thompson à bord n’avait que des ennemis.

À cet égard, il feignait une admirable ignorance. Personne ne lui adressait la parole. On se détournait presque sur son passage. Toutes ces piqûres glissaient sur lui. Souriant comme de coutume, il traversait les groupes hostiles avec son habituelle désinvolture.

Vers cinq heures pourtant il sentit poindre un véritable malaise. Saunders et Hamilton allaient revenir. Que diraient les éternels grincheux de ce nouvel accroc au programme ? Thompson en avait froid dans le dos.

Mais cinq, six, sept heures sonnèrent sans que les excursionnistes fussent de retour. Au diner, les passagers s’entretinrent de cet inexplicable retard, et les familles Hamilton et Blockhead commencèrent à être sérieusement alarmées.

Leur inquiétude augmenta encore, quand la nuit se fit noire sans qu’aucune nouvelle parvint des voyageurs. Que pouvait-il leur être arrivé ?

« Tout, monsieur, tout, et le reste, » dit confidentiellement Johnson d’une voix pâteuse au clergyman Cooley, qui se recula, suffoqué par l’haleine du prudent ivrogne.

À neuf heures et demie, Thompson allait se décider à prendre des informations à Funchal, quand enfin une embarcation