Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.
241
FACE À FACE.

— Est-il possible ! s’écria Thompson avec une naïveté charmante.

— Oui, monsieur, monotone. On ne contraint pas des gens sensés à visiter six jours de suite une ville comme Funchal. Nous comptions sur des promenades, des excursions…

— Cependant, monsieur, fit Thompson, le programme ne promet rien de tel.

Le passager respira fortement comme quelqu’un qui s’efforce de dompter sa colère.

— Il est vrai, dit-il, et nous en cherchons en vain la raison. Nous direz-vous pourquoi vous n’agissez pas pour Madère comme vous l’avez fait pour les Açores ?

La raison, c’est que, les prix se « civilisant » avec les mœurs des habitants, Thompson avait craint le coût d’une excursion dans ce pays gâté par les Anglais. Mais pouvait-il donner un pareil argument ?

— Rien n’est plus simple, répondit-il en appelant à son secours son plus aimable sourire. L’Agence a pensé que les passagers ne seraient pas fâchés de se reposer un peu de leur embrigadement habituel, qu’ils organiseraient des excursions particulières, rendues plus faciles ici par la diffusion de la langue anglaise, que…

— Eh bien ! l’Agence s’est trompée, interrompit froidement l’orateur du spardeck, et par conséquent…

— Trompée ! s’écria Thompson en interrompant à son tour l’avocat de la partie plaignante. Trompée ! Je suis heureux de voir que c’est d’une simple erreur qu’on me fait un grief.

Il sauta sur le pont, courut de l’un à l’autre des passagers.

— Car enfin, messieurs, l’Agence, vous le savez, n’épargne rien pour assurer le bien-être de ses passagers. L’Agence ne recule devant rien, j’ose le dire !

Il s’échauffait.

— L’Agence ! messieurs. Mais elle est l’amie de ses passagers ! Une amie infatigable et dévouée ! Que dis-je ! Une mère, messieurs !