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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

geurs, cependant, les avis n’avaient pas manqué. Écrite par la bouche de Robert répétant les enseignements de ses livres, orale par la bouche du paysan du Libramento, l’expérience ne leur avait pas ménagé ses conseils. Ces conseils, tous les dédaignèrent, jusqu’à celui qui les avait donnés, et, rassurée par le retour du beau temps, la petite troupe suivit avec confiance le torrent dans sa nouvelle direction.

Trois cents mètres plus loin, Robert, estimant qu’on devait être proche du lieu du rendez-vous, s’offrit à pousser une courte reconnaissance. Joignant l’acte à la parole, il escalada la rive de droite et disparut rapidement entre les roches, tandis que ses compagnons poursuivaient leur marche ralentie.

Deux minutes ne s’étaient pas écoulées qu’ils s’arrêtaient sur place. Un grondement vague et terrible était né dans les profondeurs du curral et grossissait de seconde en seconde.

Aussitôt, la mémoire et la raison revinrent aux imprudents voyageurs. Tous comprirent ce que ce grondement signifiait et, d’un même mouvement, ils se jetèrent sur la rive droite, Roger soutenant Dolly, les autres chacun pour soi. Avec une hâte fébrile, ils s’élevèrent sur la ponte raide de la montagne.

En un instant, Dolly, Roger, Hamilton, Blockhead et Saunders furent hors d’atteinte, tandis que, caché par un mouvement du terrain, Jack, un peu plus loin, se trouvait en sûreté sur le sommet d’un roc escaladé.

Il était temps.

Le grondement s’était fait sifflement, hurlement, mugissement, et déjà la vague arrivait, énorme, furieuse, roulant dans ses replis jaunâtres d’innombrables débris.

Inconsciemment, Alice avait suivi la route de son beau-frère. Retardée par une chute, elle arriva au bas du rocher quand il en était déjà au sommet. Elle s’efforça d’abord d’escalader le bloc à son tour, mais elle comprit bientôt que le temps lui manquerait. La vague menaçante n’était plus à cent mètres.

Pourtant, qu’elle réussît à s’élever de deux ou trois mètres