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LE CURRAL DAS FREIAS.

inondations qui sont assez fréquentes ici. Quand une pluie d’orage tombe dans les montagnes, il arrive souvent que les torrents presque à sec à cette époque de l’année montent tout à coup d’une manière prodigieuse. Cette crue ne dure que quelques heures, mais elle n’en laisse pas moins derrière elle de véritables ruines. Nous ferons donc bien de suivre l’avis de ce paysan. »

Cependant, après une demi-heure de marche, il devint évident que le temps se rassérénait de plus en plus. Au zénith, les nuages se coupaient, et, si des brumes tournoyaient toujours au-dessus des pics, elles devenaient moins épaisses et manifestaient une tendance à se dissiper dans l’atmosphère rafraîchie.

Les touristes crurent donc pouvoir négliger la prudence. Le sol, d’ailleurs, devenait extrêmement rocailleux, tandis qu’à une quinzaine de mètres plus bas, au bord même du torrent réduit à un inoffensif filet d’eau, s’étendait un lit de sable fin qui devait être un excellent tapis pour les pieds fatigués.

Les voyageurs s’aventurèrent sur ce sable élastique, qui constituait, en effet, un sol très propice à la marche, et la petite troupe s’avança gaiement, Robert et Roger cueillant pour leurs compagnes des fleurs : roses, aubépines, violettes, qui croissaient par centaines dans les interstices des rochers.

Mais bientôt la vallée, qui n’avait cessé de se rétrécir depuis le Libramento, se trouva à peu près réduite au lit du torrent. Celui-ci en même temps obliquait brusquement dans une sorte de couloir, bordé, à gauche, par une muraille à pic, tandis que la rive droite, d’accès assez difficile en raison des blocs qui la parsemaient, s’élevait en pente relativement douce jusqu’à la route, où, cinq cents mètres plus loin, devaient attendre les chevaux.

Avant de s’engager dans ce couloir, les touristes eurent la précaution de jeter un coup d’œil en arrière. La vue s’étendait à plus d’un kilomètre, et au loin on apercevait le clocher du Libramento. Le ciel s’éclaircissait de plus en plus. Rien d’anormal n’apparaissait dans la vallée.

Jupiter affole ceux qu’il veut perdre, a dit le poète. Aux voya-