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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

chèrent au hasard d’une de ces courtes haltes, que la singulière impatience des guides rendait de plus en plus rares. Celui-ci la rassura. L’approche de la nuit augmentait seulement la terreur des guides. En plein jour même, ils n’eussent traversé qu’en tremblant le Paul da Serra, dont une légende locale a fait le séjour de prédilection des démons.

Les touristes n’eurent pas à se plaindre de cette crainte superstitieuse. À peine était-on parvenu sur le plateau que les hamacs avaient pris une allure vertigineuse. Les porteurs ne marchaient plus, ils couraient en silence, au milieu de ce paysage désolé, sans culture et sans arbres, que le crépuscule rendait plus triste encore. Presque complète était la solitude. Seuls, quelques troupeaux lointains paissaient la verdure rare et le thym.

Avant huit heures, on avait franchi les trois milles que mesure le plateau dans sa largeur, et la descente commença, tandis que les chansons des guides s’élevaient, disant le soulagement des chanteurs.

Descente effrayante, dans un sentier presque à pic dont l’ombre augmentait la difficulté. La fatigue éteignit bientôt les chansons des guides qui se relayaient de deux en deux minutes.

À neuf heures et demie enfin on arrivait à Saint-Vincent, à la porte de l’hôtel, dont l’hôte, aimable, empressé, se multiplia autour de ses tardifs voyageurs.

À Saint-Vincent finissait le rôle des hamacs. Sur des chevaux amenés depuis la veille à leur rencontre, les touristes allaient désormais suivre l’excellente route qui réunit ce bourg à Funchal.

En quittant le lendemain l’hôtel situé au bord même de la mer, ils traversèrent le village de Saint-Vincent, élégamment niché au fond d’une vallée verdoyante qui contraste avec les roches abruptes dont elle est de toutes parts entourée. Puis la route déroula de nouveaux lacets, et les chevaux attaquèrent la rude pente de la montagne.