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LE CURRAL DAS FREIAS.

Après quoi, remettant le carnet à sa place, il se retourna vers Robert que ce manège intriguait.

« Vous pourrez affirmer à Mr. Thompson que j’ai tenu régulièrement mes comptes, lui dit-il d’une voix pleine des plus agressifs grincements. »

Le lendemain on se remit en route dès l’aube. L’étape est longue, fatigante surtout de Magdalena à Saint-Vincent où l’on devait coucher.

Pendant deux kilomètres environ on refit d’abord la route parcourue la veille, puis les porteurs, obliquant sur la gauche, s’engagèrent dans un sentier de chèvres serpentant au fond d’une étroite et noire vallée.

Sur ce chemin raide et rocailleux, ils n’avançaient pas bien vite malgré leur courage. À chaque instant ils se relayaient et, de quart d’heure en quart d’heure, il fallait se résigner à une courte halte de repos.

Vers dix heures le sommet de la montée n’apparaissait pas encore, quand ils s’arrêtèrent une fois de plus. En même temps un vif colloque s’engageait entre eux.

« Qu’y a-t-il ? demanda la voix hargneuse du baronnet.

— Un incident, répondit Robert, qui va sans doute interrompre notre marche.

À son exemple, ses compagnons mirent aussitôt pied à terre.

— Mais qu’y a-t-il donc enfin ? demanda à son tour Alice.

— Rien de grave, Mrs. Lindsay, rassurez-vous, s’empressa de répondre Robert. Un peu de leste à subir, voilà tout.

— De leste ?

— Voyez, répondit seulement l’interprète en montrant la mer.

Un singulier changement s’était accompli dans l’atmosphère. Une sorte de brume jaunâtre embrasait l’horizon. Dans cette vaste nuée semblable à de l’or fondu, l’air tremblait, comme soumis à une excessive chaleur.

Ce nuage, expliqua Robert, nous annonce un coup de vent du Sahara, et les guides cherchent à nous en garer le mieux possible.