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L’AGENCE THOMPSONS AND Co.

innocentes railleries de Roger lui en avaient démontré la nécessité. Il s’efforça de rattraper le temps perdu et travailla son guide fort avant dans la nuit. Aussi était-il ferré sur la question, prêt à subir toutes les colles, quand sonna l’heure du départ.

Pour aller au rivage distant à peu près d’un demi-mille, on ne devait pas employer les canots du bord. La mer, toujours brisante à Funchal, y rend l’atterrissage assez difficile. Le concours des embarcations du pays et de marins « très pratiques » de la côte est nécessaire à la sécurité des passagers.

« Vous savez, monsieur le Professeur, dit Thompson à Robert en s’embarquant avec lui, à Madère, où tout le monde parle anglais, j’ose le dire, c’est pour vous une espèce de congé. Rendez-vous seulement à onze heures à l’Hôtel d’Angleterre et à huit heures du soir à bord, si l’on veut profiter de la table commune. »

En peu d’instants, les embarcations, celle de Thompson en tête, arrivèrent au rivage. Par malheur, les abords s’en trouvaient encombrés. C’était jour de marché, ainsi que le dit un des marins, et le passage était obstrué par des barques de toute espèce, d’où s’élevait un assourdissant concert. Les animaux, empilés dans ces barques, grognaient, mugissaient, bêlaient. Chacun dans sa langue, ils disaient abondamment leur ennui.

L’un après l’autre, on les débarquait, Débarquement peu compliqué, qui consistait simplement à les jeter à l’eau, à grand renfort de rires et de cris. Les passagers du Seamew durent atterrir, confondus dans ce bruyant troupeau, sous les yeux d’un double et dissemblable public. Indifférents, ceux qui, sur le galet, recevaient les animaux destinés au marché ; attentive, la foule élégante, en majorité composée d’Anglais, qui, à l’arrière-plan, se promenait sur la digue en cherchant quelque visage de connaissance parmi les nouveaux arrivants.

Du reste, en dehors de l’espoir confus de découvrir un ami parmi les visiteurs de leur île, ces promeneurs ne pouvaient manquer de s’intéresser aux manœuvres de l’atterrissage. Il y