— Fort bien, dit Hamilton en se pinçant les lèvres. Voudriez-vous du moins nous dire où vous comptez nous loger ?
— Voyez le programme, monsieur, répéta Thompson imperturbable.
— Mais il est muet sur ce point, votre programme. Aucune indication, aucun nom d’hôtel. Rien.
— Et ce navire, monsieur ? objecta Thompson.
— Comment ! s’écria Hamilton outré, auriez-vous la prétention de nous tenir prisonniers à bord du Seamew ? C’est ça que vous appelez voir Madère !
— Voyez le programme, monsieur ! répondit pour la troisième lois Thompson en tournant le dos à son irascible administré.
Mais, tombant de Charybde en Scylla, le malheureux administrateur se trouva en face d’un nouvel ennemi.
— Vraiment ! monsieur, prononça la voix grinçante de Saunders, il faut voir le programme ! Mais c’est une duperie, votre programme, j’en appelle à tous ces messieurs.
Et Saunders, d’un geste circulaire, prit à témoin tous les passagers, dont un cercle se formait peu à peu autour des belligérants.
— Comment ! continuait cependant Saunders, il n’y aurait rien de curieux à nous montrer dans cette ile ? Après nous avoir traînés, comme un troupeau, dans des pays sans habitants et sans route, vous osez nous retenir à bord de votre… de votre…
Saunders hésitait.
— …de votre sabot, de votre infernal sabot, trouva-t-il enfin, maintenant que nous arrivons dans une contrée à peu près civilisée !
Thompson, les yeux perdus au ciel, sa main, au fond de la poche, agitant doucement un trousseau de clefs, attendait flegmatiquement la fin de l’orage. Cette attitude acheva d’irriter Saunders.
— Eh bien ! s’écria-t-il, cela ne se passera pas ainsi !
— Parfaitement ! appuya Hamilton.