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SINGULIERS EFFETS DU MAL DE MER.

bâtiment inconnu avait suivi cette même route qui, en réalité, n’aboutissait nulle part, en se maintenant à la distance invariable de quatre milles environ. Il appuyait donc la chasse à n’en pas douter.

Cette persistance dans l’intervalle qui séparait les deux navires avait en partie rassuré le capitaine. Il ne serait pas du moins gagné de vitesse. Et quoi d’étonnant à cela ? Le navire portugais n’avait-il pas aussi fait son charbon aux Açores ? Mais le capitaine Pip était bien forcé de se dire que la traversée ne serait pas éternelle. On finirait par arriver à Madère, et Madère, c’est encore le Portugal.

Depuis quarante-huit heures, le capitaine retournait cette question sous toutes ses faces, sans aboutir à aucune solution satisfaisante. S’il avait été le maître, plutôt que de se résigner à de nouveaux geôliers, il se serait lancé droit devant lui jusqu’à épuisement de son charbon et de toutes les parties combustibles du bâtiment. On aurait vu alors lequel avait les soutes les plus vastes ! Par malheur, maître, il ne l’était qu’à demi, et à la seule condition qu’il conduirait le Seamew dans la maudite rade de Funchal, capitale de Madère. Aussi enrageait-il perpétuellement.

Il lui fallut bien prendre un parti quand, le 28 mai vers dix heures du matin, la cime de Porto-Santo commença à mordre l’horizon. Le pauvre capitaine dut se résigner à en référer à Thompson et, s’il avait l’oreille basse, il est inutile de le dire.

À sa joyeuse surprise, sa communication ne fut pas reçue aussi mal qu’il le craignait.

« Vous croyez donc, captain, dit seulement Thompson, que ce navire est portugais ?

— Je le crois, monsieur.

— Et qu’il est à notre poursuite ?

— Je le crois aussi, malheureusement.

— Eh bien, dans ce cas, captain, je ne vois qu’une chose à faire.

— Et c’est, monsieur ?