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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

manière que tout le monde pût en lire la valeur, avec une lenteur que le goût réprouvait. Mais c’était là péché de méridional, et Alice ne s’arrêta pas à de pareilles vétilles.

Électrisés par cet exemple, les autres passagers dénouèrent largement les cordons de leur bourse. Personne ne refusa son offrande, plus ou moins forte selon sa fortune.

La quête terminée, Alice annonça glorieusement un total de deux cents livres (cinq mille francs). C’était un résultat superbe. Pour l’obtenir, pour arrondir ainsi la somme, Alice avait dû s’imposer une large contribution personnelle. Mais elle n’imita pas l’ostentation vaniteuse de don Hygino, et, ce qu’elle donna, personne ne le sut.

Par le même sentiment de modestie et d’effacement volontaire, elle ne voulut pas remettre elle-même à la mariée cette dot inespérée. Elle chargea de ce soin les jeunes et sauvages époux qui faisaient à bord du Seamew un si singulier voyage. Ils étaient présents ce soir-là par grand hasard, et la commission leur revenait de droit.

Ce fut la jeune Anglaise qui porta à sa sœur portugaise la dot que l’on venait de constituer, et elle accompagna le cadeau d’un affectueux baiser. Elle ne voulut pas néanmoins taire le nom de la charitable passagère, à laquelle, en réalité, Thargela devait sa reconnaissance. Alice dut donc subir les remerciements enflammés de Thargela et de son mari. Cinq mille francs, c’était pour eux la fortune, et jamais ils n’oublieraient la bonne fée qui avait assuré leur bonheur.

Les autres passagers eurent leur part de cette explosion de gratitude, Thargela, fondant en larmes, allait de l’un à l’autre, et Joachimo, la tête perdue, serrait des mains et des mains au petit bonheur.

Il fallait cependant partir.

À grand’peine on calma l’émotion des nouveaux mariés, et les touristes se dirigèrent vers la porte de la salle, au milieu d’enthousiastes acclamations.