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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

dévastatrice, et Blockhead se relevait, en éternuant, mais sans blessure apparente.

On s’était précipité vers lui. Il ne semblait pas ému. Sur sa placide figure se lisait seulement un réel étonnement. Et, tandis que son regard émerveillé suivait le nuage de poussière qui dégringolait la pente, une exclamation imprévue sortait des lèvres du voyageur malmené.

« Quels cochons ! » disait Blockhead, avec un accent de vive admiration.

Certes, ce qui venait de lui arriver était désagréable. Ses compagnons trouvèrent cependant l’expression un peu forte. On sait se contenir, que diable ! Les dames se détournèrent en étouffant des rires.

Toutefois, après explication, il fallut bien innocenter Blockhead. C’étaient bien des cochons, de véritables porcs, dont il avait subi le redoutable assaut. Quant à l’origine de cette panique, quant à la cause qui avait transformé en catapulte irrésistible cette bande d’animaux ordinairement inoffensifs, les guides eux-mêmes ne s’en doutaient pas.

Il était juste midi quand les touristes parvinrent à la crête. Comme au sommet de la chaudière de Fayal, la grandeur du spectacle les arrêta sur place.

Dépassant tout ce que l’imagination peut concevoir, le sol devant eux se creusait en une cuvette immense, profonde de quatre cents mètres et dessinant un ovale étonnamment régulier de vingt-huit kilomètres de pourtour. Au delà de la crête étroite, la descente suivait immédiatement la montée. Les pentes intérieures, parées de la plus magnifique végétation, conduisaient doucement jusqu’au fond de la paradoxale dépression, au milieu de laquelle un village délicieux se grisait de soleil, baigné par deux lacs aux eaux plus bleues que le ciel.

Franchissant les limites de cet abîme, l’œil parcourait librement l’île tout entière. Vers le Nord, c’était un chaos d’escarpements semés de bouquets d’orangers, puis, plus loin, des champs