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UN POINT DE DROIT.

moitié du bas peuple des faubourgs, ainsi que le prouvait la manifestation actuelle. Sur la terre ferme, Thargela eût donc couru le risque d’être reprise. À bord du Seamew, sous la sauvegarde du noble peuple anglais, il n’en serait certainement pas de même.

Ayant dit, l’habile orateur se tut.

Son trait de la fin avait porté. Le jeune Açorien en avait pour preuve le changement d’attitude de sir Hamilton. Sans le connaître, il s’était attaché à convaincre ce personnage, que sa tenue gourmée désignait comme le plus rébarbatif de tous ses auditeurs. Or, incontestablement, Hamilton s’était dégelé. Même, il avait approuvé d’un signe de tête la conclusion du discours.

Thompson, indécis, jetait de droite à gauche des coups d’œil furtifs.

— Que pensez-vous de tout cela, captain ? demanda-t-il.

— Hum ! fit le capitaine, en se détournant modestement.

Mais, derrière lui, le fidèle Artimon était à son poste.

— Vous qui êtes gentleman anglais, dit-il à ce vieil ami, repousseriez-vous une femme, monsieur ?

— Hum ! fit à son tour Thompson, en coulant vers les passagers un regard incertain.

— Ma foi ! monsieur, dit Alice Lindsay en s’avançant courageusement hors du cercle de ses compagnons, je pense que, sans rien préjuger, on pourrait du moins faire ce que propose ce garçon, c’est-à-dire aller chez le corrégidor qui nous tracera notre devoir.

— Qu’il soit fait selon votre désir, Mrs. Lindsay, s’écria Thompson. L’Agence n’a rien à refuser à ses passagers.

Des bravos éclatèrent. Évidemment, le jeune couple avait fait la conquête des habitants du Seamew. À ces applaudissements, seul Hamilton évita de joindre les siens. Phénomène surprenant, son attitude était soudain redevenue, correcte toujours, mais glacée. Une citoyenne américaine en ayant en quelque sorte pris la direction, cette affaire avait subitement cessé de l’intéresser.