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UN POINT DE DROIT.

Électrisés par cet exemple, les autres passagers se hâtèrent de l’imiter. Des embarcations se remplirent, les hommes saisirent les rames familières à la plupart des Anglais, et cinq minutes plus tard une escadre en miniature troublait les eaux du port du choc de ses avirons.

Thompson, en accostant le Seamew, fut en partie rassuré. Les six canots suspects appartenaient en effet à deux camps opposés, et leur antagonisme apportait aux assiégés un secours inespéré. Chaque fois que l’un d’eux tentait un mouvement en avant, un canot du parti adverse se mettait en travers, et rendait impossible l’approche de l’escalier gardé d’ailleurs par une douzaine de marins.

« Qu’y a-t-il donc, captain ? demanda Thompson essoufflé en sautant sur le pont.

— Je n’en sais rien, monsieur, répondit flegmatiquement le capitaine.

— Comment ! captain, vous ne savez pas ce qui a pu motiver une pareille émeute !

— Absolument pas, monsieur. J’étais dans ma chambre, quand Mr. Flyship est venu me prévenir qu’une jeune fille était montée à bord et que des groupes aux allures menaçantes se rassemblaient sur le quai. J’ignore si l’un de ces faits découle de l’autre, car il m’a été impossible de comprendre un mot au damné jargon de la petite.

— Et cette enfant, captain, qu’en avez-vous fait ?

— Elle est au salon, monsieur.

— J’y vais, dit Thompson avec emphase, comme s’il eût couru à la mort. En attendant, captain, continuez à veiller sur le navire dont vous êtes responsable. »

Le capitaine, pour toute réponse, sourit dans sa moustache d’un air dédaigneux.

La situation, du reste, ne semblait pas bien critique. Les passagers avaient traversé sans peine la ligne des belligérants. Les uns après les autres, ils montaient à bord. Le Seamew