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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

d’une pomme des boulets envoyés par des canonniers portugais.

— Dans ce cas, monsieur, reprit Thompson, je vous donne cet ordre de partir.

— Puisqu’il en est ainsi, répondit le capitaine avec le plus grand calme, ne pourriez-vous emmener dans le salon seulement cinq minutes ce particulier à face de carême ?

Obtempérant à un désir formulé en termes si énergiques, Thompson insista auprès de l’inspecteur pour lui faire accepter un rafraîchissement.

À peine avait-il disparu avec son hôte, le capitaine remit l’équipage au guindeau. On prit uniquement la précaution de relever le cliquet, afin d’en éviter le bruit révélateur. En quelques minutes, l’ancre fut dérapée, caponnée, traversée, le tout dans le plus grand silence. L’équipage apportait au travail un zèle énorme.

Dès que l’ancre eut quitté le fond, le navire commença à dériver. La différence de position, par rapport aux lumières de la ville, était déjà devenue sensible, quand l’inspecteur remonta sur le pont, en compagnie de Thompson.

— Commandant, s’il vous plaît ? cria-t-il du pont au capitaine à son poste sur la passerelle.

— Plaît-il, monsieur ? répondit gracieusement celui-ci en se penchant sur le garde-fou.

— Monsieur l’inspecteur, dit Robert traduisant l’observation qui lui était faite, pense que votre ancre chasse, commandant.

Le capitaine regarda autour de lui d’un air incrédule.

— Croit-il ? dit-il bonnement.

L’inspecteur savait son métier. D’un regard, il parcourut l’équipage silencieux, et, sur-le-champ, il comprit. Sortant alors de sa poche un long sifflet, il en tira un son perçant bizarrement modulé, qui, dans le calme de la nuit, devait porter fort loin. Il fut bientôt évident qu’il en avait été ainsi. Des lumières coururent sur le parapet des forts.

Angra est défendue par deux forts : le « Morro do Brazil » au