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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

Hélas ! il n’en était pas ainsi de la malheureuse Bess et de l’infortunée Mary. Couvertes de horions, le corps illustré de « bleus », elles avaient de bonnes raisons pour ne jamais oublier la fête de la Pentecôte à Tercère.

Également, bien qu’autrement malchanceux, leur père, le respectable Blockhead, dut dîner tout seul dans sa cabine. Il n’était pas blessé pourtant. Mais, dès le début du repas, Thompson, ayant remarqué chez son passager des signes d’inquiétantes démangeaisons, avait cru prudent, dans le doute, de lui suggérer un isolement protecteur. Blockhead s’était soumis à ce désagrément de la meilleure grâce du monde. Il ne paraissait même pas fâché de la distinction particulière dont le sort le gratifiait.

« Il paraît que j’ai attrapé une maladie du pays, dit-il à ses filles avec importance en se grattant de plus belle. Il n’y a que moi qui aie eu ça ! »

Don Hygino revint à bord comme Mr. Sandweach servait le rôti. Il amenait avec lui ses deux frères.

On ne pouvait douter que don Hygino et ses deux compagnons eussent eu les mêmes parents, puisqu’il l’avait positivement déclaré. Mais on n’eût certainement pas deviné cette parenté. Impossible de se moins ressembler. Autant don Hygino portait dans toute sa personne la signature de la race, autant ses frères étaient d’aspect vulgaire et commun. L’un, grand et fort, l’autre, trapu, épais et carré, ils n’eussent point été déplacés, à en juger sur l’apparence, dans une barraque de lutteurs.

Circonstance singulière, tous deux semblaient s’être récemment blessés. La main gauche du plus grand était enveloppée de linges, tandis qu’une assez notable estafilade, dont une bande de sparadrap rejoignait les bords, sillonnait la joue droite du plus petit.

« Permettez-moi, monsieur, dit don Hygino à Thompson en désignant ses deux compagnons, à commencer par le plus grand, de vous présenter mes deux frères, don Jacopo et don Christopho.