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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

avaient échangé un courtois shake-hand. À l’abandon, à la spontanéité qu’ils mirent à ce geste de bon accueil, comme on vit bien qu’ils se sentaient tous deux en pays de connaissance !

À partir de cet instant, le baronnet s’était incrusté, incorporé au nouveau guide. Il avait enfin un ami ! Au déjeuner qui eut lieu à bord et que partagea Don Hygino, il l’accapara, lui assigna une place près de lui. Don Hygino se laissa faire avec une hautaine indifférence.

La table était au complet, si on néglige le jeune ménage, dont l’absence aux escales commençait à devenir naturelle.

Thompson prit la parole.

« Je pense, dit-il, être l’interprète de toutes les personnes présentes, en remerciant Don Hygino da Veiga de la peine qu’il a bien voulu s’imposer ce matin.

Don Hygino esquissa un geste de protestation polie.

— Si fait ! si fait ! insista Thompson. Sans vous, señor, nous n’aurions visité Angra, ni si vite, ni si bien. J’en suis à me demander ce qui nous reste à faire pour remplir cette après-midi.

— Cette après-midi ! s’écria Don Hygino. Mais elle est tout employée. Ne savez-vous donc pas que c’est aujourd’hui la Pentecôte ?

— La Pentecôte ? répéta Thompson.

— Oui, reprit Don Hygino, une des plus grandes fêtes catholiques, et qui est célébrée ici d’une manière particulièrement solennelle. Je vous ai fait réserver une place d’où vous verrez parfaitement la procession qui est fort belle, et dans laquelle figure un crucifix que je vous recommande.

— Qu’a-t-il donc de si particulier, ce crucifix, mon cher Hygino ? demanda le baronnet.

— Sa richesse, répondit Hygino. Il n’a pas, à vrai dire, un grand intérêt artistique, mais la valeur des pierres précieuses dont il est littéralement couvert dépasse, à ce qu’on dit, dix mille contos de réis ! (six millions de francs).